Le Mouvement « Rien sans les femmes » constate avec regret que l’élection des gouverneur.e.s de province fait apparaître pour la enième fois une violation flagrante de l’article 14 de la Constitution congolaise qui veut que « La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. » et que « L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions ».
Comment considérer que ce droit à une représentation équitable et ce principe de parité ont été respectés lors de ces récentes élections qui ont accouché du résultat pitoyable : 7 hommes élus gouverneurs contre zéro femme élue.
Un résultat prévisible
Ce résultat calamiteux était déjà prévisible dès le dépôt des candidatures et de la publication par la CENI de la « liste définitive des candidats à l’élection des gouverneur et vice-gouverneur de province » puisque seulement 3 femmes figuraient parmi les 27 candidat.e.s vice-gouverneur.e.s. !
Comment expliquer cette quasi absence de candidatures féminines ?
Beaucoup d’hommes et de politiciens congolais ont une réponse facile et simpliste : les femmes manquent de motivation , au sens propre du terme, et surtout elles n’ont pas les mérites nécessaires pour accéder aux postes de décision, comme celui de gouverneur, par les vertus de la « méritocratie ». En réalité, la faible présence des femmes dans les institutions n’a rien à voir avec un manque de mérite des femmes. Des dizaines d’études ont mis à jour les vrais obstacles à la présence des femmes dans les institutions et les organes de décisions. Les raisons pour lesquelles les femmes n’accèdent pas facilement aux responsabilités sont aujourd’hui bien connues : ce sont tous les obstacles auxquels elles sont confrontées pour se porter candidate à un mandat politique sous la forme de bien d’autres « manques » que le manque de mérites.:
Le manque de formation à la vie politique, le manque d’information. Le manque de confiance en soi, lié à la peur d’être incompétente, à l’absence d’encouragement familial ou à la crainte de conflits avec l’entourage familial.Le manque de moyens, d’argent tout particulièrement et de soutien de tous ordres. Le manque d’intérêt ou de motivation aussi, souvent lié à une image assez négative de la vie politique relayée par les médias et dans les mots utilisés pour décrire la vie politique : « combat, campagne électorale, lutte, arène, affrontement, gagner, perdre, victoire, défaite ». Ce sont des mots guerriers qui sont plus familiers à la culture et à l’éducation masculine que féminine. D’où chez beaucoup de femmes le sentiment qu’elles feront un travail plus efficace dans une autre milieu que la politique.
Mais surtout et avant tout, c’est le manque de temps à consacrer aux activités publiques qui constitue le handicap principal freinant très fortement la participation politique des femmes et plus généralement leur accès aux instances de prise de décision dans tous les secteurs de la vie politique, économique, sociale, culturelle. La vie quotidienne des femmes dans des pays comme la RDC est souvent si difficile, pour seulement assurer la survie de leur famille, si bien que la question de leur participation à la vie politique ne se pose même pas. La question du manque de temps est évidemment liée au manque de partage des responsabilités familiales : les femmes manquent de temps à consacrer à la vie publique, au militantisme politique, à l’exercice d’un mandat, à cause des responsabilités familiales : éduquer les enfants, nourrir la famille, accomplir les multiples tâches de la vie quotidienne, etc. , bref, devoir prester une double journée de travail est un obstacle très difficile à surmonter, surtout au Congo où les hommes ne prennent presque aucune part dans toutes les tâches familiales.
La cause principale de l’absence des femmes dans les institutions et les organes de décisions n’est donc pas le manque de mérites, mais plutôt les préjugés, les stéréotypes traditionnels sur les rôles sociaux masculins et féminins du type : « Les femmes ne doivent pas participer à la vie politique, elles n’ont qu’à s’occuper des enfants, de la cuisine et de l’église ». Malheureusement, ces schémas traditionnels rétrogrades sur les rôles dévolus à l’un et l’autre des sexes sont souvent intériorisés et transmis par les femmes elles-mêmes.
Ce sont tous ces manques, toutes ces discriminations qui sont les barrières dans l’accès à la vie politique pour les femmes et ce n’est certainement pas le manque de mérites. Supprimer tous ces véritables obstacles, par le renforcement des capacités des femmes notamment, est un travail nécessaire et de très longue durée. Le meilleur moyen que l’on a trouvé dans de très nombreux pays pour lever ces barrières c’est le système des quotas électoraux de femmes.
Les indispensables « mesures spéciales temporaires » : les quotas
L’expérience d’autres pays, y compris des pays africains, a démontré que les diverses formules utilisables de quotas sont le moyen le plus efficace pour faire progresser la parité et la participation politique des femmes.
L’expérience de presque tous les pays limitrophes de la RDC démontre que l’adoption dans la Constitution et dans la Loi de formules de quotas précises et contraignantes est le moyen le plus efficace pour faire progresser effectivement la parité, notamment dans les institutions élues. Dans le classement emondial de 193 pays par ordre décroissant du pourcentage de femmes dans le Parlement (le « hit parade de la parité ») des pays voisins, comme le Rwanda, l’Angola, la Tanzanie, le Burundi occupent respectivement la 1ère, la 19ème et les 25ème places, alors que la RDC se situe elle à la 167ème place ! Vérifiez vous-même ce palmarès honteux pour la RDC, EN CLIQUANT ICI.
http://www.ipu.org/wmn-f/classif.htm
Il y a donc extrême urgence, comme le réclame le Mouvement « Rien sans les femmes » dans son Rapport « De la parité de droit à la parité de fait », à modifier la Loi électorale pour y introduire des « mesures spéciales temporaires » aussi appelées « discriminations positives » sous la forme de quotas obligatoires qui permettront lors des prochains scrutins d’obtenir de nombreuses femmes élues gouverneur.e.s, conseillères communales, de secteur ou chefferies, députées provinciales, députées nationales et pourquoi pas présidente de la République.